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Bataille de Waterloo 1815 - 200 ans après la bataille

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Nous reproduisons ici un récit complet de la bataille de Waterloo, telle que nous la trouvons
présentée le 7 septembre 1890 dans l'Histoire de l'Europe, par MARÉCHAL
(soit 200 ans après la bataille et 129 ans après la parution).

BATAILLE DE WATERLOO (18 juin 1815).

L'armée anglaise comptait 70.000 hommes, parmi lesquels 13.000 cavaliers et 150 canons.
Elle occupait un plateau demi-circulaire, sur lequel viennent se réunir, au village de Mont-Saint-Jean, les deux routes de Nivelles et de Charleroi à Bruxelles.
Au pied du plateau, au centre, les Anglais occupaient la Haie-Sainte.
A droite, ils tenaient en plaine le château d'Hougoumont ; à gauche, Smouhen, la Haie, Papelotte, et Ohain dans la direction de Wavre.
Derrière se trouvait la forêt de Soignes, avec le village de Waterloo.

Napoléon avait 72.000 hommes, dont 15.000 cavaliers et 240 canons.
Il comptait sur la victoire.
Il ignorait que Grouchy, retardé dans sa marche et incertain sur la direction à suivre, n'arriverait que le soir même du 18 en face des Prussiens à Wavre et ne pourrait, avec 33.000 hommes contre 90.000, empêcher les deux tiers de l'armée prussienne d'arriver à Mont-Saint-Jean.
Comme à L'Igny, la bataille commença trop tard : on voulait attendre que le sol, détrempé par l'orage fût raffermi.

Napoléon avait l'intention d'aborder l'aile gauche de l'ennemi, partie la plus faible de sa ligne, et de la rejeter sur le centre.
Cette manœuvre, si elle réussissait, séparait pour toujours les Anglais des Prussiens.
A onze heures et demie, notre gauche, conduite par Reille, Guilleminot, Bauduin, Foy, Bachelu, Jérôme, attaqua à la droite des Anglais le château, la ferme et les bois d'Hougoumont, autour desquels s'engagea un terrible combat.

Pendant ce temps, 70 pièces de canon, en batterie sur les hauteurs de la Belle-Alliance, foudroyaient le centre et la gauche de Wellington.
En ce moment, Napoléon aperçut à l'extrême-droite de sa ligne un nuage noir.
Il envoya un aide, de camp en reconnaissance.
C'était l'avant-garde de 30.000 Prussiens, qui venaient de Wavre, avec Bulow, au secours des Anglais.
Napoléon plaça Lobau avec 10.000 hommes sur notre flanc droit pour les contenir lorsqu'ils arriveraient.

En même temps, à une heure après midi, il fait attaquer la gauche anglaise par les quatre divisions d'infanterie de Drouet d'Erlon (Alix, Donzalot, Marcognet, Duette). Dans la précipitation, on range les troupes en mases de vingt-sept rangs de profondeur, tous les bataillons déployés et hors d'état de se former en carrés.
Le choc fut terrible : on se fusillait de si près que les bourres entraient avec les balles dans les blessures.
Le général anglais Picton fut tué.
Mais en ce moment Wellington lance contre l'infanterie de d'Erlon les dragons gris écossais de Ponsonby, qui l'enfoncent, la sabrent, la poursuivent, prennent les deux drapeaux des 103e et 45e de ligne et désorganisent deux batteries qui venaient au secours de nos fantassins.
Chargés alors par nos cuirassiers et nos lanciers, les dragons ennemis périssent presque tous leur chef, Ponsonby, tombe le corps percé de sept coups de lance.
Les Français n'en avaient pas moins perdu 5.000 hommes.
A l'attaque de la Haie-Sainte, ils avaient également échoué.

Il était trois heures; les Prussiens de Bulow approchaient.
Napoléon n'en persiste pas moins à attaquer l'armée anglaise.
Seulement, au lieu de tourner son principal effort contre la gauche de Wellington, il va maintenant l'attaquer au centre, la partie la plus forte de la position ennemie.
Pour cela, il fallait d'abord enlever la Haie-Sainte.
Ney fait attaquer le village par l'infanterie de d'Erlon.
Elle s'en empare ; du bataillon allemand qui le défendait avec le major Baring, il ne reste que 42 hommes.
Les Français sont arrivés au pied du plateau.

Quatre heures allaient sonner.
L'instant décisif semblait venu.
Les deux divisions de cuirassiers de Milhaud, les chasseurs à cheval et les lanciers de la garde de Lefebvre-Desnouettes, en tout 5.000 chevaux, gravissent au grand trot la pente du plateau de Mont-Saint-Jean.
Ney est à leur tête.
Les casques et les cuirasses brillent au soleil.
Nos cavaliers couronnent la crête.
Ils essuient la décharge des canons anglais.
Mais la trompette sonne.
Au cri de Vive l'Empereur ! les cuirassiers s'élancent en avant.
Abandonnant leurs pièces, les artilleurs s'étaient réfugiés dans les rangs de l'infanterie anglaise formée en carrés.
Les cuirassiers se jettent sur elle, essuient le feu à bout portant, se précipitent sur les baïonnettes.
Mais la résistance est acharnée ; la cavalerie ennemie vient au secours de ses fantassins.
Epuisés par ce combat inégal, les cuirassiers redescendent du plateau, dont les soldats de Wellington occupent de nouveau les bords.
Cette première charge de cavalerie avait été repoussée à cinq heures du soir. Bulow, qui avait quitté Wavre à la pointe du jour avec 30.000 hommes et 88 canons, avait commencé le combat depuis une demi-heure et forçait les 10.000 soldats de Lobau à reculer.
Déjà les boulets ennemis tombaient sur les derrières de nos troupes engagées contre les Anglais.
Nos cavaliers se tenaient immobiles, sous la mitraille, au pied du plateau.
Ney les entraîne à une seconde charge générale ; il se place à, la tête des cuirassiers de Milhaud, des lanciers et des chasseurs de Lefebvre-Des-nouettes. Notre cavalerie couvre encore une fois le terrain situé entre les deux routes et Mont-Saint-Jean.
Kellermann suit Milhaud avec sa division de cuirassiers.
La brigade de carabiniers s'ébranle à son tour.
Les dragons et les grenadiers à cheval de la garde imitent cet exemple.
10.000 cavaliers s'élancent sur les vingt-six bataillons du centre britannique formés en carrés.  
Une seconde fois les canons sont dans nos mains.
Les hussards de Cumberland prennent la fuite.
Que l'infanterie française seconde nos cavaliers, et le centré anglais sera rompu.
« De l'infanterie I où voulez-vous que j'en prenne ? voulez-vous que j'en fasse ? » répond Napoléon au colonel Hymès, aide de camp de Ney, qui venait lui demander du renfort.
La lutte continuait avec rage.
Cinq généraux français étaient hors de combat ; trois généraux ennemis tués, deux blessés.
« En vain dit un historien, Ney engagea jusqu'à son dernier escadron... en vain des carrés entiers furent renversés, dispersés, écrasés... en vain les nombreux escadrons venus au secours de l'infanterie furent sabrés, mutilés, disloqués ; le drapeau de la Grande Bretagne continua à flotter sur le fatal plateau, et après une lutte de près de deux heures, une lutte sans exemple dans les annales de la guerre, notre cavalerie, désorganisée par d'incessants efforts..., les bras fatigués par tant de coups portés, ses chevaux haletants, harassés de tant de mouvements violents sur un sol fangeux, dut se résoudre, frémissante de rage, à redescendre la pente qu'elle avait gravie dans la conviction du succès. » (Colonel Charras.)
Les troupes de Reille se battaient toujours près d'Hougoumont, celles de Drouet d'Erlon devant la Haie. Smouhen et Papelotte. Une seconde bataille se livrait pendant ce temps sur notre flanc droit entre Lobau et Bulow.
Pour soutenir Lobau, qui reculait écrasé par le nombre, il fallut d'abord envoyer la jeune garde avec Duhesme, au moment où Ney, sur le plateau, demandait à Napoléon de l'infanterie.
Cela même ne suffit pas.
Morand dut charger les Prussiens à la baïonnette avec trois bataillons de la vieille garde pour reprendre Plancenoit.
Tout le corps de Bulow recula.
Il était près de sept heures.
« Français, disait Ney à ses cavaliers, restés sous la mitraille, tenez ferme ; c'est ici que sont les clefs de nos libertés »
 « Toi et moi, disait-il à d'Erlon, si nous ne sommes pas tués ici, nous serons pendus à Paris. »
Napoléon n'avait plus que dix bataillons de troupes fraîches ; mais c'était la vieille garde, et il se croyait débarrasser des Prussiens.
Six bataillons de grenadiers et de chasseurs, 3.000 vétérans conduits par Ney et quatre généraux (Friant, Roguet, Michel, Porte de Morvan), gravissent à leur tour le plateau.  
Les Anglo-Hollandais voient s'approcher les redoutables bonnets à poil.
Mais : ils tiennent ferme : ils savent qu'un second corps prussien s'avance.
« Restez là, mes garçons, s'écrie Wellington. Que dirait-on de nous en Angleterre, si nous reculions ? — Vous pouvez être tué, lui dit lord Hill : vos instructions — Tenir ici jusqu'au dernier homme ! »
La garde aborde l'ennemi, culbute les soldats de Brunswick, de Nassau et les Hollandais ; le prince d'Orange tombe de cheval frappé d'une balle.
Mais tout à coup une nouvelle ligne se dresse devant nos soldats.
« Debout, gardes anglaises, et tirez juste ! » s'écrie Wellington.
Les soldats de Maitland, couchés dans les blés, se relèvent et font feu.
Le général Michel est tué ; Ney perd son quatrième cheval.
Malgré les efforts du brave des braves, la garde, diminuée de moitié, bat en retraite.

Il est huit heures, et le soleil se couche.
La fusillade redouble à notre extrême droite : c'est Ziethen qui arrive avec 20.000 Prussiens, conduits par Blücher, et comble l'intervalle entre les Anglais et Bulow. Sauve qui peut !
Les divisions de Drouet se débandent.
La cavalerie anglaise descend du plateau.
Tous les corps français sont en déroute.
Les Anglais sont maîtres de la Haie-Sainte, les Prussiens de Plancenoit.
Seule, la garde impériale se forme en carrés à la hauteur de la Belle-Alliance. Napoléon se réfugie dans ses rangs, l'épée à la main.
Attaquée par le canon, l'infanterie, la cavalerie, chargée, enveloppée, mitraillée, la garde, par la voix de Cambronne, refuse de se rendre.  
Quand ses carrés sont rompus, ceux qui survivent se font jour à la baïonnette et suivent le torrent des fuyards.
Pendant que Wellington et Blücher s'embrassent à la Belle-Alliance,  les cavaliers de Gneisenau poursuivent les Français.
Un tambour prussien monte sur l'un des chevaux dételés de la voiture de l'empereur et bat la charge en tête des colonnes ennemies.
Sabrés à la clarté de la lune, les vaincus sont chassés successivement de Genappe, des Quatre-Bras et de Frasnes.
Là, seulement, les escadrons ennemis s'arrêtèrent.
Les Français purent gagner Charleroi, où ils passèrent la Sambre, désorganisés, épuisés et mourant de faim. Ils avaient perdu 25.000 hommes, les Anglais et les Prussiens réunis 22.000.
La France était vaincue.
Tout était fini pour Napoléon.
La configuration du terrain a été complètement modifiée, parait-il, depuis cette époque.
Ici les routes de Charleroi et de Namur se croisent.
Si nous faisons encore environ trois kilomètres, nous atteindrons le village même de Waterloo, composé d'une double rangée de maisons et d'auberges, des deux côtés de la route.
C'est de Waterloo que Wellington data son bulletin de victoire.
L'église et le cimetière du village sont remplis d'inscriptions commémoratives.