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UN NOUVEAU GENRE D'HIPPODROME (octobre1890)


L'hiver dernier, un théâtre de New-York a exhibé un truc d'un nouveau genre.


Il s'agit d'un hippodrome en chambre.
Voici en quoi consiste cette ingénieuse invention.

Un mécanicien, a mis en pratique l'idée des voies ambulantes, avec cette différence que, au lieu d'avoir pour but d'accélérer la progression de celui qui s'en sert, le mécanisme, dans ce cas particulier, tend, au contraire, à annihiler l'effet de ses efforts pour se porter en avant.

Cette machination a été construite pour une pièce dont la scène capitale est une course au galop dans laquelle des chevaux, parfaitement vivants, sont stimulés par de très réels coups d'éperons et de cravache, au grand enthousiasme des spectateurs.

Le turf (par métaphore, turf signifiant gazon) se dérobe sous leurs pieds et tend à les ramener en arrière ; toute leur vélocité ne sert qu'à vaincre ce courant et à les maintenir en un même point ; l'arrière-plan du décor se déroule lui-même en sens inverse de la marche des chevaux, avec une vitesse de 500 mètres à la minute ; la longueur de cette toile est de prés de 3o mètres ; le premier plan qui cache seulement les pieds des chevaux est entraîné avec une vitesse bien moins grande; il en résulte que les spectateurs perçoivent l'impression d'une course réelle sur un hippodrome circulaire dont ils occuperaient le centre.

Pour compléter l'illusion, un ventilateur chasse vers l'arrière la poussière soulevée par les pieds des chevaux.
Le sol, le paysage, l'air lui-même, fuient derrière eux.
En face d'un tel spectacle, tout bon Anglo-Saxon est immédiatement surexcité et son expansion se manifeste par les cris et les gestes les plus variés.

Ce système repose sur un principe très simple.
Le plancher de la scène est remplacé par un certain nombre de vastes anneaux ou chaînes sans fin, formées de tranches de papier comprimé, tendues sur une série de rouleaux ou poulies folles. Ces chaînes constituent quelque chose d'analogue aux ceintures de natation.

Chaque cheval galope sur l'une de ces pistes, dont un système de transmission permet d'augmenter ou de ralentir la vitesse, de façon à donner de l'avance à tel ou tel cheval.
Le tout était actionné, dans le théâtre en question, par deux moteurs électriques de trois chevaux ; chacune des pistes pesait environ 1.500 kilogrammes et pouvait en supporter 4.000.

L'illusion était telle, que les spectateurs se levaient de leurs sièges en vociférant des encouragements au favori, tandis que les spectatrices agitaient mouchoirs et éventails.